Vues minuscules

Que retiendra la Haute-Marne de cette 20e semaine de l’année ? Sans doute qu’il est loin, le temps où il était interdit de porter dans les lieux publics quoi que ce soit qui dissimule le visage (Loi du 11 octobre 2010). Aujourd’hui, ce serait plutôt l’inverse : on serait presque mal vu si on montre les dents.

Dans le 11e arrondissement de Paris, la densité de population dépasse 41 000 habitants au kilomètre carré. Dit autrement : vous prenez un carré de 1 km de côté et vous y logez les Bragards, les Chaumontais et les Langrois. Et il est censé rester de la place ! Il est vraisemblable que les habitants du 11e aient plus souffert que nous du confinement. Aujourd’hui, les Haut-Marnais, même dans le rouge, peuvent aisément se mettre au vert sans trahir les 100 km. Même à vélo. Pour se promener dans des cathédrales de verdure dont des millions de Parisiens ne soupçonnent pas l’existence. Signalons au passage que certains de ces Parisiens ont retenu des leçons de cette crise et envisagent d’acheter une maison en ruralité. Les agences immobilières frémissent…

D’autres valeurs émergeraient donc ? On a pu lire (JHM du 14 mai p. 10) qu’un groupe de jeunes chaumontais… masqués et dont on ne cite que les prénoms, ont entrepris spontanément de réaliser puis de distribuer gratuitement des colis alimentaires à l’intention des plus nécessiteux des quartiers défavorisés. Cela nous enseigne au moins deux choses : que des Haut-Marnais sont vraiment pauvres. Que des jeunes sont vraiment chouettes.

Avec ces jeunes, c’est étonnant, finalement, tous ces gens que l’on a découverts épatants dans l’adversité. Les soignants bien sûr ; les caissières aussi, les petites mains des masques, maintenant (enfin !) les enseignants. Toutes ces vies “minuscules”, résignées à l’ombre, qu’un virus inattendu met à raison en pleine lumière.

JHM du 17 mai 2020

* Pierre Michon : vies minuscules ; Gallimard. 248 p.

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