Sur la réserve

Que retiendra la Haute-Marne de cette 31e semaine de l’année ? Convenons-en humblement : rien ; ou si peu… Plumitif en temps normal déjà laborieux, astreint à nourrir cette vaine chronique, j’ai par dépit choisi de vous resservir un plat réchauffé : vos photos. Depuis des années, les Haut-Marnais (vous, donc) invités à illustrer la page 2 du Mag JHM avec des photos prises en Haute-Marne, n’envoient QUE des photos d’animaux. À vous en croire, notre département serait déjà une réserve, un Animal Explora géant dévolu exclusivement aux chevreuils, renards, insectes et autres plumitifs. Mais d’humains, point.

Qu’il me soit donc permis de vous imposer aujourd’hui ici, moi aussi, une photo de Haute-Marne. Je l’ai commise il y a quelques jours à Cirey-les-Mareilles. On y retrouve vraiment la Haute-Marne. Le premier plan, aux deux tiers, est occupé par des champs de blé moissonnés : la Haute-Marne d’ici et maintenant. Au fond, se laisse deviner l’immensité de la sombre forêt de feuillus : la Haute-Marne, de toujours, du futur Parc national. Mais votre œil exercé a-t-il repéré spontanément ici l’agriculture et la forêt ?

Puisque la tradition imposée par vous exigeait des animaux, j’ai invité Vinci d’Andilly et Rubis aux premiers rôles ; ils galopent joyeusement dans un espace généreux : la Haute-Marne encore…

Vous ne discernez rien d’autre ? Vraiment ?

Une autre vraie Haute-Marne, systématiquement absente de vos photos, nous sourit ici : la vie. Si, si : la vie est ici.

Devant, cheveux au vent et toutes dents dévoilées, la brune Isa. Elle est née au bout du monde. Arrivant chez nous, elle a appris le patois du Bassigny mâtiné d’un peu de français de Diderot et Voltaire, ce qui prouve en passant que l’on sait accueillir. L’an prochain, elle passe le bac. Autant dire tout de suite que dans un an, elle ne sera plus haut-marnaise. C’est tout le mal qu’on lui souhaite.

Derrière, Tiffany. Cheveux bonds. Le même vent… Le même sourire. Elle est née à Chaumont. Elle est maman d’un garçon qui a priori devrait être scolarisé à la rentrée. Un bon point pour nos écoles. Mais Tiffany envisage de partir, chimères en tête, en quête d’un métier et surtout d’un salaire qui dégagent son horizon.

C’est cela aussi, la Haute-Marne. Un chouette coin, accueillant, généreux, que fuient nos jeunes, par nécessité. La vie est ici. Mais sur la réserve.

JHM du 4 août 2019

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